Juste un éclat de rire

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Sélection Arc 2 – épisode 5

Par La fille qui n’aimait pas les fins, 14 ans
Défi du jury

Les arbres défilaient à toute vitesse. Leurs couleurs orangées me rappelaient de grandes flammes. Je collais mon front contre la vitre. Un courant d’air frais secouait mes cheveux dans tous les sens. Le toit étant ouvert, le soleil tapait sur nos têtes malgré les casquettes que nous portions. Le bruit était fort et toutes les conversations référaient à peu près à la même question : où allions-nous ?
En effet, le sourire mystérieux de M. Actrus et l’air impassible de Mlle Péthinia ne nous avait pas fourni beaucoup d’indications…
Les chênes rougeoyants cédèrent leur place à d’immenses pins verts, aux aiguilles dressées vers le ciel comme pour le toucher. Je rêvassais. Peut-être allions nous escalader ces arbres ? Ou courir en haut de cette dune de sable que j’apercevais au loin pour rouler jusqu’en bas ?
Un parfum inconnu flottait maintenant dans l’électro bus. Un parfum salé, frais. Un parfum qui me donnait envie d’ouvrir grand les bras, d’inspirer profondément et de laisser un sourire s’étirer sur mon visage .
Je fermais les yeux.
Enfin, dans un léger tressautement, l’électrobus s’arrêta. Puis, les portes s’ouvrirent. Dans la seconde qui suivit, le sol sablonneux fut piétiné de toutes parts. Sans même attendre que les marches aient fini de se dérouler, une trentaine d’adolescents sautaient à terre.
Mlle Péthinia descendit à son tour, suivie de M. Actrus. Son regard noir fit taire les bavards et stoppa les bousculades des turbulents.
L’électrobus parti, je remarquais alors trois grosses malles noires posées sur le sol, près d’un petit sentier semblant dater d’avant la catastrophe mais toujours en assez bon état. M. Actrus commença à nous expliquer :
« Le but premier de cette sortie est de vous surprendre. »
Un murmure étonné salua sa phrase énigmatique.
« Nous voulons vous montrer un lieu extraordinaire que vous ne verrez peut-être qu’une fois dans votre vie. Il est d’une extrême fragilité suite aux Catastrophes. Nous allons vous laisser le découvrir. Montez en haut de ce chemin. Libre à vous de descendre de l’autre côté ou pas. »

Des sourcils relevés, des airs curieux, l’attention des élèves était à son maximal.

Mlle Péthinia s’avança sur le chemin. Nous la suivions silencieusement, tous essayant de deviner ce que pouvait être ce mystérieux endroit.
J’entendais déjà les premiers pousser des exclamations. Certaines étaient émerveillées d’autres apeurées.
J’avançais prudemment. Pas à pas. En tentant de me préparer.
Mais rien de ce que je n’avais pu imaginer n’empêcha la joie immense et indescriptible que je ressentis alors. Une euphorie soudaine…
Devant moi s’étendait une immensité d’eau bleue à perte de vue. Des vagues puissantes déferlaient sur le sable avec un bruit sourd. Une odeur… la même que tout à l’heure mais plus forte, enivrante.
Je dévalai la colline à toute vitesse, un sourire rayonnant à la bouche. J’atteignis la plage mais je ne m’arrêtais pas. Mes pieds s’enfonçaient dans le sable chaud bientôt remplacé par son homologue humide.
Je courrai toujours. Toujours plus pressé d’arriver à la mer – car oui c’était bien la mer que je voyais -, toujours plus heureux.
Je ne m’arrêtais que lorsque que je sentis l’eau fraîche percer à travers mon pantalon et engloutir mes chevilles. Alors je renversai la tête en arrière et je fixai les nuages floconneux qui avançaient calmement.
Et aux oreilles du ciel et de la mer retentit un éclat de rire.

Juste un éclat de rire.

11 réflexions au sujet de « Juste un éclat de rire »

  1. Désolée, j’espère que je ne t’ai pas fait peur avec mon gros commentaire, je me suis un peu emballée xD Dans tous les cas c’est à toi de trouver tes propres trucs, hein, tu pioches ce qui t’intéresse dans ce que j’ai dit mais ce n’est pas la peine d’appliquer tout ça à la lettre ! 🙂

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  2. Salut !

    Merci pour tous vos commentaires très agréables à lire !
    Je vais essayer de répondre à toutes vos interrogations…

    En fait, je voulais faire découvrir aux élèves un lieu non pollué, qui n’aurait pas été touché par les Catastrophes. J’ai donc imaginé un endroit où l’océan aurait été « préservé ». Concernant le fait qu’il y ait déjà la mer à côté du collège, mon idée était qu’ils la découvrent vraiment, non pas seulement de loin, et -surtout !- non polluée. Je voulait qu’ils aient également la possibilité de se baigner (comme l’a dit rouge-gorge), bref qu’ils voient la mer comme nous pouvons la voir à notre époque.

    Le narrateur est anonyme pour deux raisons:
    – il n’y a pas d’interactions alors son identité ne me paraissait pas importante (D’ailleurs si quelqu’un arrive à faire des dialogues, et voudrait bien m’apprendre, je suis preneuse ! Les miens sonnent « faux » et durent des ans…) ;
    – comme certains de vous l’ont déjà dit, le narrateur pouvait ainsi être chacun des élèves du collège sans distinctions.

    A la base, j’avais prévu que M. Actrus ouvre les malles et en sorte du matériel de plongée, des maillots… Bref, ce qu’on prend pour aller à la mer. Ensuite, en me relisant, je me suis dit que ça gâchait la surprise. J’ai donc remanié le texte en y laissant les malles pour que le lecteur imagine lui-même ce qu’il y a dedans. (Et moi-même, je me suis mise à imaginer des tas de créatures bizarres…) Donc à vous de choisir !

    @ Plume Azerty
    Merci pour cette analyse très détaillée !
    Je ferai plus attention à l’avenir !

    @ Aqua
    J’ai préféré la mer à un lac déjà parce que je trouve ça plus spectaculaire (vagues, parfum salé…) et ensuite parce que personnellement, j’adore la mer et déteste les lacs. Il était plus facile pour moi de décrire un lieu pour lequel j’avais de l’admiration. Mais c’est vrai qu’un lac serait plus facile à protéger !
    Pour l’électrobus, je voulais que les élèves pédalent ou d’une autre manière produisent de l’énergie. Mais mon idée n’étant pas assez précise, j’ai laissé tomber…

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    • Merci pour ta réponse ! Hihi, dans ma tête, les malles noires avaient un côté très sérieux, voire austère, je n’aurais jamais imaginé du matériel de plage ^^

      Par rapport aux dialogues : je n’en écris que très peu (je me débrouille pour les éviter, haha), c’est LE truc qui pose le plus de problèmes aux écrivain-es, en général… Voilà quand même quelques points qui pourront peut-être t’aider :
      – plutôt que de réfléchir aux informations que tu dois transmettre et de te demander « mais comment je vais bien pouvoir dire/écrire ça ? », essaye de t’imaginer à la place des personnages, dans leur situation, et de parler à leur place : par exemple, là, ferme les yeux, mets-toi à la place de M. Actrus, imagine-toi devant la foule des élèves, imagine que dans vingt tu seras prof et que tu organiseras une visite à la mer… Qu’est-ce que tu leur diras juste avant qu’ils ne franchissent la dune ? Sinon, imagine un-e prof que tu connais et que tu verrais bien organiser ce type de sortie, comment il ou elle s’adresserait à vous ?
      C’est un conseil qui peut paraître idiot, mais en ce qui me concerne, je sais que le truc qui me bloque pour écrire des dialogues, c’est que je prends beaucoup trop de recul par rapport à mon texte, que je me préoccupe davantage de l’organisation des répliques, de la cohérence, etc, que de l’émotion et de l’imaginaire. En gros, j’ai tendance à sortir de la « bulle » dans laquelle j’écris la plupart du temps, et c’est ça qui peut faire perdre en naturel, quand on quitte l’écriture fluide pour une écriture trop réfléchie. Alors que la réflexion et les ajustements éventuels (si un personnage présente un vocabulaire et une façon de parler bien à lui/elle, par exemple) pourront venir dans un second temps, lors de la relecture.
      – entraîne-toi en écrivant des conversations réelles : essaye de retenir des bouts de conversation que tu as eu avec ta famille, tes ami-es… ou que tu as entendues dans la rue, dans le train, n’importe où, et de les retranscrire avec un maximum de fidélité. Simplement pour comprendre les mécanismes d’une discussion, noter la diversité des façons de s’exprimer (les tics de langage, le vocabulaire spécifique à une génération ou un groupe social…), repérer si possible les « marques » de l’oralité, la grammaire de l’oral, en quelque sorte (parce que la langue écrite et la langue orale sont très différentes, tant du point de vue du vocabulaire que de celui de l’agencement des mots, etc, sans compter toute la gestuelle et les expressions du visage qui sont hyper importantes). Bon, il y a énormément de choses que tu sais déjà dans tout ça, mais je pense qu’on apprend toujours avec des petites exercices de ce type 🙂
      Après, c’est à toi de voir ce que tu veux retenir de tout ça, si tu as envie d’être au plus proche de la langue orale réelle ou si tu préfères l’esthétiser… Certain-es auteur-es aiment bien reprendre toutes les élisions (par exemple, la négation « ne » passe très souvent à la trappe), les familiarités, et d’autres, au contraire, préfèrent la rapprocher de la langue écrite. Dans les deux cas, à l’extrême, on risque de tomber dans la caricature ou bien de perdre tout naturel ^^ Il y a un équilibre à trouver, qui dépend de tes intentions.
      – essaye de voir ce qui est vraiment utile à ton dialogue. En général, on trouve peu de formalités dans les romans : tout ce qui est bonjour / comment ça va / il fait beau aujourd’hui / au revoir, les lecteurs et lectrices s’en fichent pas mal, ce sont des trucs qu’on entend déjà tous les jours, qu’on suppose avoir été dits même s’ils n’ont pas été écrits noir sur blanc… Par contre, ça peut devenir intéressant si tu organises une rencontre entre deux personnages qui s’expriment très très différemment, ou bien si ton personnage a énormément de mal à prononcer le mot bonjour ^^
      – prête attention aux dialogues que tu croises dans les livres que tu lis, pour voir comment ils sont construits, si l’ensemble des paroles sont retranscrites ou s’il y a des ellipses : en fonction de sa longueur et de sa nature, il va être introduit, écrit, narrativisé de façons très différentes. Par ailleurs, il y a des auteur-es qui s’amusent, par exemple, à écrire des dialogues sans tirets, sans aller à la ligne, ou bien sans ponctuation, des auteur-es qui mettent des descriptions entre parenthèses au milieu de leurs tirades et d’autres qui ne vont pas donner une seule indication sur les mimiques des personnages… Certain-es usent et abusent des verbes de paroles alors qu’on n’en a pas besoin si le contexte et la ponctuation donnent déjà les infos nécessaires. Bref, essaye de repérer les façons d’écrire un dialogue qui t’intéressent, qui te plaisent, pour trouver un truc qui te ressemble et que tu écris sans trop de mal. Il ne faut pas hésiter à copier des écrivain-es plus expérimenté-es, tu auras tout le temps plus tard de t’approprier ce que tu as appris et d’inventer ton propre style 🙂 (Ce que je dis ici, sur la diversité des présentations d’un dialogue, c’est surtout vrai pour la littérature adulte, en littérature jeunesse c’est souvent moins élaboré/personnalisé, simplement pour des questions de compréhension)
      – essaye de jeter un œil à des textes de théâtre contemporains ou du moins assez récents, il y a sûrement de quoi s’inspirer 😉

      Voilà, pour conclure : ne t’en fais pas trop, ça ira mieux à force d’entraînement 😀

      (désolée pour le pavé, je ne pensais pas écrire tout ça, haha)

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      • Merci pour ton aide ! Je vais essayer de retenir tout ça pour mon prochain dialogue…

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  3. C’est bête, la dernière phrase est en trop, je trouve ! (Ou alors il y a quelque chose qui m’a échappé). Sinon, j’aurais aimé que tu nous expliques davantage en quoi le lieu est si fragile, si extraordinaire, que tu nous donnes des détails… Je me dis aussi qu’au niveau de la vraisemblance, ç’aurait été plus crédible de parler d’un lac (plus facile à protéger) que de la mer.

    J’aime beaucoup l’idée de l’électrobus ! (Comment l’électricité est-elle produite, à ton avis ? Je crois qu’on n’en a encore jamais parlé dans le feuilleton, ou seulement de manière superficielle, il faudrait creuser cette question…)

    Ah et encore une question : qu’est-ce qu’il y a dans les malles noires, qu’est-ce qu’elles viennent faire ici ? C’est volontairement mystérieux ou bien tu as oublié de nous le dire à la fin ? ^^

    Sinon, c’est un très chouette texte, l’un de mes préférés pour cet épisode, alors bravo ! 🙂

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  4. Ce commentaire ne sera pas très constructif, parce que je n’ai que deux choses à dire.

    D’abord, ton texte est magnifique. L’anonymat du narrateur lui donne encore plus de puissance, parce qu’on comprend que ce caractère pollué, abîmé du monde est ressenti par tous, qu’il est vécu par tous.
    Ensuite, le Collège est construit pas loin d’une falaise qui surplombe l’océan, ils ont donc l’habitude de voir la mer, ce qui rend ta phrase « car oui c’était bien la mer que je voyais » un peu incohérente. Toutefois le seul élève que l’on voit officiellement près de la mer, c’est Juan dans l’épisode 10, et il fait beaucoup de choses interdites. De plus on peut sérieusement supposer que s’ils l’ont déjà vue, ils ont rarement eu l’occasion de s’y baigner puisqu’elle est polluée.

    Donc voilà, j’adore ton texte, même s’il n’apporte pas d’avancées décisives au feuilleton.

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  5. Hello!

    Un grand bravo pour ce texte et ta présence parmi les candidats à l’Intégrale!
    Parlons du texte, donc. L’idée est très sympa, j’aime particulièrement qu’on découvre la destination en même temps que les élèves, on partage leur excitation, leur curiosité… L’arrivée à la mer est bien menée.

    J’ai quelques remarques au niveau du style d’écriture:
    – « Je fermais les yeux »: je l’aurais plutôt mis au passé simple (fermai)
    – « Un murmure étonné salua sa phrase énigmatique »: « étonné » et « énigmatique », c’est un peu redondant mais je chipote peut-être
    – « l’attention des élèves était à son maximal »: son maximum non? Ou alors, « l’attention des élèves était maximale »
    – « Je courrai toujours », cette fois-ci je l’aurais mis à l’imparfait
    – « Je ne m’arrêtais », et maintenant je l’aurais mis au passé simple

    Enfin ce sont des améliorations que tu peux faire facilement en y faisant attention.

    A l’inverse, il y a des phrases très belles comme les trois dernières! Et j’adore ta description du périple de l’électrobus à travers la forêt:)

    J’ai un peu été dérangée par le fait de ne pas comprendre l’identité du narrateur, même si on comprend que c’est un garçon avec le « toujours plus heureux ». Mais avec le recul, je trouve ça cool aussi, ça donne une dimension universelle à l’action, au final ce ne sont que des ados heureux qui découvrent un paysage magnifique alors qu’ils vivent dans un monde ultra-pollué et pas forcément accueillant. C’est presque un hymne au bonheur, à l’insouciance, à la beauté de la nature (je m’emporte un peu non? ha ha), en tous cas c’est bienvenu dans l’atmosphère pas toujours gaie de CLV!

    Une dernière chose: à quoi servent ces mystérieuses malles noires? 😀
    Ah et encore une dernière chose: la lecture serait encore plus agréable si tu faisais davantage de paragraphes!

    Bravo pour ton texte en tous cas et au plaisir de te lire!

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  6. Ton texte fait partie de mes préférés pour cet épisode. Il est très bien écrit, et je ne sais pas comment expliquer, mais j’étais bien, en le lisant. En fait, je le trouve… beau.

    Mais j’ai été perturbée par cette phrase : « Nous voulons vous montrer un lieu extraordinaire que vous ne verrez peut-être qu’une fois dans votre vie » : l’océan Pacifique se trouve tout près du Collège, donc ça m’étonne un peu que les élèves n’aient jamais vu la mer… A moins que ça ne soit pas juste la découverte de la plage, mais la découverte d’une plage non polluée ou particulière ?

    Enfin, en tout cas, j’ai vraiment beaucoup aimé ton texte et ton écriture. J’ai hâte de te relire, bravo !

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