Noir vide silence

Sélection épisode 44

Sélection épisode 45

Par Bluebird

Belen était dans le noir. Dans le vide. Dans le silence.

Winog s’était assis en tailleur face à elle. Il détailla les traits de son visage – figés –, la position de ses mains – crispées – enserrant ses genoux, genoux qu’elle avait ramenés contre sa poitrine. Tête haute – posture quelque peu… repliée.

Belen avait les yeux ouverts. Ne voyait pas. Ne voyait rien – dans le noir. Son regard était porté vers un horizon vague, mais on le sentait vide et sans but. De grands yeux vides et vitreux. Elle était comme une fillette dans sa chambre obscure sans veilleuse. Elle ne le voyait pas.

Winog, doucement, de sa main, s’approcha d’elle. Du bout des doigts, il caressa sa main raidie. Elle ne broncha pas. Une infinie douceur se dégageait du geste… Il répéta l’action, et elle ne cilla pas. Traits figés, mains crispées, tête haute.

Belen demeurait insensible – dans le vide. Elle ne semblait pas vraiment s’appuyer contre le mur derrière elle, tout comme elle ne ressentait rien au contact de ses doigts. Flottait dans le vide, flottait. Coquille vide planant dans le vide… Elle ne sentait ses doigts froids sur sa main.

Winog scruta son expression impassible, accentua légèrement la pression de ses doigts, entrouvrit ses lèvres. Parla. Il ne prononça qu’une phrase, qu’il répéta, répéta. Répéta.

Belen n’entendait pas. N’entendait rien – dans le silence. Il pourrait répéter des centaines, des milliers de fois, elle n’entendrait pas. Ce silence, toujours ce silence. Elle ne l’entendait pas.

Ne l’entendait pas dire : « Belen… Va-t-en, Belen… »

Ne l’entendait pas. Dans sa bulle dans le noir dans le vide dans le silence.

Winog se tut.

Winog retira ses doigts de sa main toujours crispée.

Winog s’en alla.

Et Belen n’avait rien vu, rien ressenti, rien entendu.

6 réflexions au sujet de « Noir vide silence »

  1. Petit coup de coeur pour ton texte, qui m’a donné des frissons… Il est très bien écrit, j’aime cette image forte de Belen seule dans sa bulle. Tes phrases sont courtes mais frappantes. J’aime bien la façon dont tu les « articule » dans le premier paragraphe, avec tous les tirets 🙂
    Bref, je ne sais pas trop quoi de te dire à part que j’adore l’atmosphère que tu as mise en place, et merci pour cette belle lecture ! 🙂

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  2. J’adore ton texte! 🙂 Il est saccadé au début puis juste rythmé. Les mêmes mots reviennent, ils créent une sorte de léthargie répétitive, une bulle dans laquelle on est entraîné. Le texte pose plus de questions qu’il n’en résout mais bon… ton texte est magnifique. Le fait que Belen ne soit plus qu’une coquille vide, isolée du monde qui l’entoure est cruel. Même si l’idée me paraît logique.

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  3. Je… Ben… C’est vrai qu’il ne se passe pas grand-chose mais… ton écriture, Blue ! C’est super beau, rythmé, touchant, poétique, mignon, triste… et la liste est longue ! Bravo p’tite Juliette 😉

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